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La Nouvelle-France

Nom aujourd'hui presque oublié, la Nouvelle-France, des deux côtés de l'Atlantique, n'éveille que des souvenirs d'écoliers, lourds en fait de mélancolie, de regrets même, et parfois de reproches pour ceux qui l'abandonnèrent voici maintenant 250 ans.

La Nouvelle-France fut cependant une réalité historique. Aventure commencée dès 1534 par le premier voyage de Jacques Cartier le long du fleuve Saint-Laurent, et qui ne cessa de croître au cours du temps, de la recherche de l'introuvable passage vers l'Ouest, des aléas politiques et militaires, de la progression des explorateurs, des missionnaires et des coureurs des bois, pour se terminer par le traité de Paris (1763) qui devait sonner le glas de l'empire colonial français en Amérique du Nord.

Cette Amérique française fut aussi un immense territoire, s'étendant de l'embouchure du Saint-Laurent au delta du Mississippi, depuis les contreforts occidentaux des Appalaches jusque loin dans les plaines, aussi loin que les voyageurs français purent s'aventurer. Territoire aux frontières incertaines (à l'ouest notamment), mais qui, à son apogée, occupait le tiers de l'Amérique du Nord, bordant au sud les possessions espagnoles et encerclant à l'est les colonies britanniques. Trois entités principales la composaient : l'Acadie, le Canada (englobant la vallée du Saint-Laurent et les « Pays d'en Haut », c'est-à-dire la région des Grands Lacs), et la Louisiane (en fait tout le bassin du Mississippi).

La Nouvelle-France fut enfin et surtout une aventure humaine particulière et certainement unique dans l'histoire coloniale européenne, fondée sur des caractères qui firent à la fois sa souplesse et sa force : l'immensité et la richesse des espaces, la mobilité des coureurs de bois, et surtout les intenses relations nouées avec les populations autochtones : métissage, évangélisation, commerce, alliances politiques. Ces dernières, menées avec constance durant toute la période coloniale, furent la véritable armature de la présence française en Amérique du Nord et autorisèrent son développement et sa résistance face à la colonisation anglo-saxonne, durant deux siècles et demi.

Mais cette colonisation portait également en elle les causes de son échec final : d'une part le relatif désintérêt des élites françaises pour ces terres lointaines (n'oublions pas les « quatre arpents de neige » de Voltaire); d'autre part la dispersion des zones de peuplement et surtout sa faible population (90 000 colons en tout, dont 75 000 dans la seule vallée du Saint-Laurent) face aux deux millions d'Anglo-américains vivant de l'autre côté des Appalaches.

Si la Nouvelle-France a disparu, son héritage demeure bien vivant, non seulement dans son cœur : le bastion francophone de ce qui est aujourd'hui la province de Québec, mais également en bien des lieux de l'Amérique du Nord : Acadie, Ontario, Ouest canadien, Louisiane, Nouvelle-Angleterre, bassin du Mississippi… En sont la marque, malgré une inévitable anglicisation, les noms de lieux et de fleuves, de grandes villes, de nations indiennes, et bien sûr de familles (y compris parmi les populations autochtones, preuve d'un métissage ancien).

Le long du Saint-Laurent et autour des Grands Lacs, dans le bassin du Mississippi et dans la Prairie, Français, Métis et Indiens se sont fréquentés, mêlant souvent leur sang, leur destin et leurs traditions. Les objets aujourd'hui abrités dans les musées de France, patrimoine commun aux deux mondes de chaque côté de l'Atlantique, en sont le témoignage.

Pascal Mongne
Historien de l'Art, membre associé de l'UMR 8096 ArchAm - Archéologie des Amériques, chargé d'enseignement à l'École du Louvre.


Bibliographie succincte

Gilles Havard et Cécile Vidal,
Histoire de l'Amérique française, Flammarion, Paris, 2003.

Christian Feest (Coord.),
Premières nations, collections royales. Les Indiens des forêts et des prairies d'Amérique du Nord, Musée du Quai Branly, RMN, Paris, 2007.

Alain Beaulieu et Yves Bergeron,
Amérique française, l'aventure, Musée de la Civilisation, Éditions Fides, Québec, 2002.

Gilles Havard et Mickaël Augeron (sous la direction de),
Un continent en partage. Cinq siècles de rencontres entre Amérindiens et Français. Les Indes savantes, Paris, 2013.
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